L’inclusion signifie que chaque élève peut réussir.
« Ce n’est pas juste ! » C’est un refrain que les enseignants, surtout au palier élémentaire, entendent régulièrement, mais les élèves ont souvent peine à comprendre que lorsqu’il s’agit d’équité, ce ne sont pas tous qui suivent les mêmes règles ou qui reçoivent le même type de soutien.
Comme l’explique Andrea Häefele, enseignante d’éducation physique et santé (ÉPS) au Highgate Public School à Markham en Ontario et animatrice d’ateliers spécialiste en matière d’inclusion pour les élèves ayant ou non des besoins particuliers, « J’utilise une illustration pour les ateliers sur l’inclusion. Il s’agit d’une image de trois élèves de différentes grandeurs qui tentent de regarder par dessus une clôture. Le plus court aurait peut-être besoin de trois marches, celui du milieu en aurait peut-être besoin d’une, et le plus grand n’en a pas besoin ». À première vue, l’illustration semble porter sur le besoin de soutien personnalisé pour permettre aux élèves de surmonter un obstacle, et c’est certainement une partie de la réponse, mais Mme Häefele explique qu’il y a aussi une meilleure solution. « Vous pourriez enlever la clôture. C’est en ôtant l’obstacle que vous assurez l’accessibilité pour tous ».
L’inclusion signifie que tous les élèves peuvent réussir, soit grâce à des accommodements qui répondent à leurs besoins en matière d’apprentissage ou à des attentes du programme-cadre qui sont adaptées. « Dans bien des cas, nous pouvons enlever les obstacles systémiques en réglant l’inégalité en nous concentrant tout d’abord sur l’accessibilité plutôt qu’en y pensant après coup », ajoute Mme Häefele. Et cela ne s’applique pas seulement aux élèves ayant des besoins particuliers, mais à tous les élèves.
L’enseignement inclusif améliore l’apprentissage de tous.
Laura Seckington, une enseignante de cours communautaires sur les troubles du spectre de l’autisme (TSA) qui travaille également au Highgate Public School (et qui coanime les formations sur l’inclusion avec Mme Häefele) a pu constater l’important impact de l’ÉPS sur les six élèves de sa classe, dont les besoins diffèrent en ampleur. « Les habiletés acquises en ÉPS jettent les bases pour l’acquisition d’autres habiletés enseignées en classe », explique-t-elle. « Par exemple, suivre des consignes, se déplacer de façon sécuritaire, le travail d’équipe et l’esprit sportif ». En allant au gymnase pour les cours d’éducation physique, ses élèves ont aussi l’occasion de bouger et d’explorer leur corps, ce qui est très important pour les enfants appartenant au spectre de l’autisme.
Cependant, lorsque les élèves de Mme Seckington (qui ont leur propre programme, mais qui sont parfois intégrés à des groupes avec des pairs du même âge) se joignent à d’autres classes pour l’éducation physique, il ne s’agit pas seulement d’une occasion d’apprentissage pour eux, mais aussi d’une occasion éducative pour leurs pairs. « L’éducation inclusive est en grande partie une question de travail d’équipe. Les élèves ont besoin d’apprendre comment travailler avec des gens ayant différentes habiletés et forces et différents besoins dans diverses situations, » dit Mme Seckington. Cette capacité à travailler avec d’autres et à s’entendre avec eux se rattache aux habiletés de vie, un ensemble d’attentes et de contenus d’apprentissage portant sur les habiletés personnelles, les habiletés interpersonnelles et les habiletés de la pensée critique et créative qui sont intégrées au programme-cadre d’ÉPS.
Bien connaître votre élève : une condition essentielle à l’inclusion
Il n’est pas suffisant pour les élèves de Mme Seckington de se joindre à des pairs du même âge au gymnase. Pour que l’inclusion soit efficace, elle doit être signifiante. Étant une enseignante d’ÉPS, Mme Häefele doit trouver des façons de mettre en valeur les forces de chaque élève, lui permettant ainsi de participer au meilleur de ses capacités.
Comme elle l’explique, « Les individus doivent obtenir différents soutiens pour qui leur soit possible d’avoir un accès égal à l’éducation. Par exemple, si un élève ne peut pas marcher, il pourrait avoir besoin d’un fauteuil roulant pour se déplacer. Si un élève a de la difficulté à ajuster son comportement, il pourrait avoir besoin d’un système de jetons pour l’aider à comprendre ce qu’est le succès. »
Selon Mmes Häefele et Seckington, d’abord et avant tout, il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance de votre élève pour un bon enseignement et une inclusion efficace. De quoi l’élève a-t-il besoin pour réussir ? Et s’il ne réussit pas, quelles autres mesures peuvent être prises pour le soutenir ? Les enseignants doivent reconnaître et comprendre la déficience d’un élève, mais à partir de là, ils doivent mettre l’accent sur ses possibilités. « Cela signifie apprendre comment l’élève apprend le mieux. Connaître votre élève, puis utiliser ces connaissances comme tremplin pour l’aider à progresser et à remporter du succès, » dit Mme Häefele.
Offrir des accommodements, c’est tout simplement bien enseigner.
Dans le cours d’éducation physique de Mme Häefele, tous les élèves, et non seulement ceux qui ont été identifiés comme ayant des besoins particuliers, ont accès une variété de soutiens (ou accommodements) pour les aider à apprendre.
Par exemple, si le contenu d’apprentissage du programme-cadre abordé dans une leçon porte sur l’envoi d’un ballon vers une cible, il peut y avoir plusieurs façons pour l’élève de réussir à le faire. Certains élèves pourraient trouver qu’il est facile de lancer un ballon dans un cerceau. Par ailleurs, si un élève a de la difficulté à tenir un objet comme un ballon, il est possible de l’aider à accomplir la tâche en lui donnant un sac de fèves plus facile à tenir entre les mains, en lui donnant une plus grosse cible ou en lui permettant de se placer plus près de celle-ci.
« Un accommodement est une chose que l’on donne à un élève pour lui permettre de satisfaire à une attente ou d’atteindre un objectif selon ses besoins », explique Mme Seckington, « Par exemple, plusieurs de mes élèves utilisent des écouteurs pour ne pas entendre le bruit dans le grand gymnase où il y a beaucoup d’écho. »
Par contre, un accommodement ne se limite pas à offrir de l’équipement varié. Il peut aussi s’agir du soutien d’un adulte (ou parfois d’un pair) qui agit comme « accommodement humain » en répétant les instructions ou en divisant la tâche en plusieurs étapes afin d’aider l’élève à remporter du succès. Ou il peut s’agir de quelque chose d’aussi simple que de donner plus de temps à un élève pour effectuer une tâche. L’équipement, les règles, le soutien, l’environnement ou la stratégie d’évaluation peuvent changer, mais, quel que soit le type d’accommodement, l’attente du programme-cadre demeure la même.
Les modifications peuvent favoriser encore plus la réussite des élèves.
Selon les besoins d’un élève, il se peut que des accommodements s’avèrent insuffisants. Comme l’explique Mme Seckington, « On parle d’une modification lorsqu’on doit apporter un changement au curriculum. » Si nous revenons à l’exemple de lancer un ballon vers une cible, si un élève ne peut le faire, il est approprié de réduire la complexité de l’habileté requise et de changer l’attente. L’élève pourrait plutôt laisser tomber le ballon dans la cible ou la cible pourrait être enlevée et l’élève pourrait lancer le ballon n’importe où.
Les modifications peuvent aussi aider à assurer la réussite des élèves lors des leçons sur la santé dans une classe pour l’enfance en difficulté. « Une grande partie du curriculum portant sur la santé n’est pas réaliste pour mes élèves et ils ne peuvent pas atteindre les objectifs, » dit Mme Seckington. « Dans une classe pour l’enfance en difficulté, les objectifs sont établis au début de l’année selon les forces et les besoins de tous les élèves, ce qu’ils savent déjà et ce qu’il est important qu’ils sachent. » Les élèves de la classe s’efforcent de satisfaire aux attentes qui leur sont pertinentes, comme apprendre les noms des parties du corps et la façon de prendre soin d’eux-mêmes, mentalement et physiquement.
Bien qu’il puisse être facile de mettre en pratique des accommodements dans la classe de jour en jour ou même sur-le-champ, les modifications requièrent plus de planification. « La ressource Étapes vers l’inclusion d’Ophea aborde les étapes à suivre s’il faut modifier une attente ou un contenu d’apprentissage pour un élève, » suggère Mme Häefele.
La sécurité est une condition préalable à l’apprentissage efficace.
Apprendre à être inclusifs et ouverts aux différences n’est pas facile pour tous les élèves. Cependant, en promouvant une communauté scolaire qui valorise l’inclusion, les enseignants peuvent aider à créer un espace où tous peuvent se sentir en sécurité.
En fait, un des principes fondamentaux sur lequel repose le programme-cadre d’ÉPS est la création d’un milieu d’apprentissage sécuritaire sur le plan physique et sécurisant sur le plan émotionnel. Ce principe veut que les élèves participant à l’ÉPS prennent part à des activités lors desquelles le risque est toujours présent et que leur apprentissage se déroule sous le regard de leurs pairs qui sont témoins de leurs explorations, de leurs réussites et de leurs erreurs. « Si les élèves ne se sentent pas en sécurité, comment pouvons-nous nous attendre à ce qu’ils apprennent ? », se demande Mme Häefele.
Les parents sont des partenaires clés dans la démarche.
En plus d’être enseignante et animatrice d’ateliers, Mme Häefele voit également l’enjeu de l’inclusion d’une autre optique : celle d’une mère d’un enfant ayant des besoins particuliers.
« Étant la mère d’un enfant ayant des besoins particuliers, » dit-elle, « je crois que les parents représentent la meilleure ressource pour aider les enseignants à connaître leur élève. »
Pour aider Mme Seckington à connaître ses élèves, au début de chaque année scolaire, elle envoie un sondage à la maison que les parents doivent remplir. Il comprend des questions au sujet des besoins, des forces et de toutes lacunes relatives à l’apprentissage de leur enfant. « J’encourage aussi les parents à faire des activités avec leur enfant à la maison, » dit-elle. « Il peut s’agir de quelque chose de simple comme faire une marche ensemble ou bien répéter l’enchaînement de danse que la classe apprend afin d’aider l’élève à s’y familiariser ».
En dernier lieu, les élèves ayant des besoins particuliers n’ont pas toujours le moyen de s’exprimer ou les habiletés nécessaires pour revendiquer pour ce dont ils ont besoin. Il est important que les parents aillent chercher le soutien dont ils ont besoin pour naviguer le système de l’éducation. « Pour certains parents, c’est difficile », explique Mme Seckington. C’est d’autant plus vrai pour les parents qui apprennent la langue française ou anglaise comme langue seconde. L’enseignant-ressource d’une école en matière de l’enfance en difficulté représente un excellent premier contact. Cette personne peut aider les parents à accéder aux ressources offertes à l’école et les orienter vers des organismes de soutien extérieurs.
Il y a de l’aide pour les enseignants à la portée de la main.
Les enseignants ont également accès à une variété de soutiens et de ressources en matière d’inclusion. Un excellent point de départ est la ressource Étapes vers l’inclusion d’Ophea. « Il s’agit d’une ressource particulièrement bonne pour les enseignants dont l’école n’a jamais eu d’initiatives en matière d’inclusion, » selon Mme Seckington, qui considère que la ressource présente les éléments de base sur le sujet. La ressource, offerte gratuitement en français et en anglais en format PDF, propose notamment des organigrammes sur les ressources des conseils scolaires, des sondages à imprimer à l’intention des parents et des listes de contrôle sur les habiletés.
Mme Seckington recommande aussi une ressource en anglais, Autism Speaks School Community Toolkit, également disponible gratuitement en format PDF. Bien que la ressource soit axée surtout sur l’autisme, elle croit qu’elle peut facilement être utilisée pour tout besoin particulier. « Cet outil n’est pas seulement à l’intention des écoles, mais bien pour toutes les personnes qui enseignent dans la communauté, » dit-elle. Par exemple, la ressource comprend un chapitre sur la façon dont les parents peuvent aborder le conducteur d’autobus ou le brigadier scolaire de leur enfant afin de lui parler des besoins de ce dernier. Des sites Web (en anglais) comme Inclusive Schools.org et Inclusiveeducation.ca (pour une perspective canadienne) sont aussi d’excellentes ressources.
Et, bien entendu, le programme-cadre d’ÉPS renferme beaucoup de renseignements sur l’inclusion, tandis que le guide portant sur le Plan d’enseignement individualisé (2004) du ministère de l’Éducation est une importante source d’information pour les enseignants effectuant la démarche de création d’un plan d’enseignement individualisé (PEI) pour un élève ayant besoin d’un curriculum modifié.
Dans un environnement inclusif, les difficultés sont perçues comme des possibilités d’apprentissage.
Grâce à des initiatives comme la Stratégie pour la sécurité et la tolérance dans les écoles, le ministère de l’Éducation et les écoles ontariennes ont pris des mesures importantes afin d’assurer la création de milieux d’apprentissage dans lesquels tous se sentent bienvenus, en sécurité et respectés. Et bien que ces types de milieux scolaires favorisent l’inclusion, le travail, par sa nature même, doit être accompli sur une base continue.
Comme nous l’avons déjà mentionné, l’inclusion signifie que chaque élève participe au meilleur de ses capacités et qu’il obtient le soutien dont il a besoin pour réussir. Cela signifie également que tous les élèves se sentent en sécurité, valorisés et respectés, mais au-delà de ces facteurs communs, l’éducation inclusive en ÉPS peut (et devrait) être variée et en constante évolution, tout comme les élèves, avec des espaces physiques, des choix d’équipement, des règles de jeux et des objectifs flexibles.
Lorsque les besoins des élèves sont priorisés, un gymnase inclusif est un milieu d’apprentissage dynamique et énergique dont il fait bon faire partie. « Les difficultés ne sont pas perçues comme des obstacles, » explique Mme Seckington en guise de résumé, « Elles sont plutôt perçues comme étant des possibilités d’apprentissage. »