Il faut accorder la priorité au bien-être afin de trouver une « nouvelle normalité » en éducation
Cela fait plus de huit semaines que les écoles de l’Ontario ont fermé leurs portes afin de ralentir la propagation de la COVID-19. Et bien que les experts en santé publique affirment que les mesures prises dans l’ensemble de la province contribuent à aplanir la courbe, les répercussions de la pandémie sont importantes et pourraient perdurer.
Maintenant que nous commençons à anticiper l’assouplissement des restrictions et l’éventuelle réouverture des écoles, le personnel enseignant est conscient, plus que jamais, qu’il sera appelé à favoriser le bien-être des communautés scolaires. Que sera la nouvelle normalité en éducation? Il est trop tôt pour le savoir, mais les membres du conseil d’administration d’Ophea, qui représentent l’éducation, la santé, le sport et le milieu universitaire, réfléchissent à l’avenir et nous ont fait part de leurs réflexions sur le futur de l’éducation et de l’importance du bien-être des élèves.
Les familles ontariennes ont de la difficulté à composer avec la situation.
Comme le souligne Jason Dupuis, surintendant de l’éducation au Conseil des écoles catholiques du Centre-Est, « Le bien-être des élèves, des membres du personnel et des parents est à la base de nos priorités quotidiennes ».
Le bien-être est toujours au cœur de notre système d’éducation. Sans lui, les élèves ne peuvent pas apprendre et nous ne pouvons pas enseigner. Il est encore plus essentiel maintenant, car nous n’avons jamais été confrontés à une telle situation et celle-ci est source de grande anxiété pour les gens. « La santé mentale et le bien-être des familles sont au seuil de la crise, » explique Carla Robbins, directrice à la Don Mills Middle School à Toronto.
Susan Stewart, directrice du département de prévention des maladies chroniques et des traumatismes au Bureau de santé de Kingston, Frontenac et Lennox & Addington est du même avis. « Il y a de plus en plus de preuves que l’isolement actuel a des répercussions sur la santé mentale et le bien-être des adultes, et que des problèmes de société s’aggravent, notamment les cas de violence familiale qui sont à la hausse, ce qui aura un grand impact sur la santé mentale des enfants. »
Bien que nous, à titre d’enseignantes et d’enseignants, fassions de notre mieux pour satisfaire aux besoins des élèves par l’enseignement à distance, nous pouvons aussi prévoir que nous serons aussi appelés à les aider plus directement dans leur rétablissement. Par ailleurs, la COVID-19 a mis en pause la vie telle que nous la connaissions et nous a demandé de réfléchir à nos priorités alors que nous déterminons une nouvelle normalité en éducation.
L’éducation physique et santé a un rôle important à jouer.
L’éducation physique et santé (ÉPS) aura un rôle essentiel lors de la réouverture des écoles. En fait, son importance dans le bien-être des élèves s’est déjà fait sentir en ces temps difficiles. Comme le souligne le Dr Tim Fletcher, professeur agrégé à l’Université Brock, « Il s’agit du seul programme-cadre dont les objectifs et les attentes pour les élèves liés au bien-être et l’apprentissage socioémotionnel sont intégrés à l’ensemble de l’enseignement. »
La mise en œuvre du programme-cadre d’éducation physique et santé aide les élèves à reconnaître et à gérer le stress, à renforcer leur résilience, à développer la régulation de leurs émotions et à acquérir des habiletés de communication et de résolution de problèmes. Elle jette les bases pour le bien-être et l’apprentissage des élèves.
Le personnel enseignant aide déjà les familles à améliorer leur bien-être grâce à un enseignement à distance portant sur l’ÉPS. Il le fait notamment en partageant des ressources offertes sur le site Web d’ÉPS à la maison d’Ophea. Le site propose notamment des activités physiques, de pleine conscience, de danse, de mathématiques et de littératie financière, ainsi que des activités sur l’estime de soi, la puberté et la sécurité sur Internet.
De plus, Ophea a aussi mis en œuvre un défi à l’échelle de la province pour faire la promotion de l’activité physique quotidienne. Comme l’explique Janice Forsyth, professeure agrégée en sociologie et directrice des études autochtones à l’Université Western, « le fait d’encourager les parents à être actifs avec leurs enfants est bénéfique pour la santé mentale et physique de tous ».
Il faut comprendre la réalité des élèves pour satisfaire leurs besoins.
Les événements ont ébranlé le sentiment de sécurité de tous dans une certaine mesure. De plus, « cette crise sanitaire a mis les projecteurs sur les inégalités dans le système et leurs répercussions sur les familles, » selon Mme Robbins. « Et l’apprentissage à distance exacerbe encore plus ces inégalités. »
En plus du fardeau et du stress engendrés par l’isolement, certaines familles font aussi face à de l’insécurité alimentaire et à des pertes d’emploi, tandis que dans d’autres familles, les parents doivent travailler de longues heures sur les premières lignes dans des conditions difficiles. D’autres encore ont perdu des membres à la COVID-19. Comme le souligne Mme Robbins, « Les inégalités ont aussi des répercussions sur les occasions des élèves de bien se sentir, notamment en participant de façon sécuritaire à des activités de plein air comme des excursions pédestres, des promenades en vélo et des marches ».
Étant donné que personne en ce moment ne fonctionne à plein régime, et que certaines personnes ont plus de difficultés que d’autres, les attentes pour l’apprentissage à distance doivent être raisonnables et flexibles. « Les élèves réussiront mieux sachant que leurs enseignants se préoccupent plus de leur bien-être que de leur capacité à faire leurs devoirs, » selon Lori Lukinuk, ancienne présidente d’Ophea et une conseillère scolaire à Thunder Bay.
Il faudra temps et patience pour le rétablissement.
Au dire de Mme Robbins, il y a eu beaucoup d’études sur les traumatismes et une priorité devra être accordée aux traumatismes engendrés par la situation actuelle lorsque les écoles rouvriront leurs portes.
Le personnel enseignant devra composer avec un retard dans l’apprentissage ainsi qu’avec un large éventail d’expériences et de capacités d’apprentissage parmi les élèves. « Nous allons devoir commencer en rencontrant les élèves là où ils en sont rendus, » explique Heather Sears, surintendante des services d’enseignement et des programmes d’études au conseil scolaire de district de la région de York.
L’écoute et l’apprentissage pour la conception d’un avenir plus sain.
Comme l’explique le paralympique Jeff Adams, « La COVID-19 a engendré une restructuration complète de la façon dont les élèves font leur apprentissage. Un des importants changements est le degré de participation des parents dans l’éducation de leurs enfants. » Les parents seront sans doute soulagés que l’éducation en ligne à la maison fasse son retour à la classe, et plusieurs d’entre eux ont acquis une nouvelle appréciation et un nouveau respect pour le travail requis pour l’enseignement.
C’est une bonne nouvelle, car pour préparer les élèves à apprendre, le personnel enseignant devra travailler plus étroitement que jamais avec les familles, avant tout pour s’assurer que les besoins fondamentaux des enfants, notamment en matière d’alimentation et de sécurité, sont satisfaits. Cela signifie qu’il faudra satisfaire à l’ensemble des besoins de la communauté afin de favoriser son rétablissement, que ce soit par la bonification des programmes de collations à l’école, des séances d’éducation pour les parents ou la mise sur pied d’autres initiatives. Il est maintenant temps de parler de la santé.
En qui concerne l’ÉPS, il faudra repenser ce à quoi cela ressemblera dans le gymnase. Comme le dit Dr Fletcher, « Même après la levée des restrictions, la distanciation sera toujours de mise pour un bout de temps. Nous devrons réfléchir à l’intégration de cet élément dans les cours d’éducation physique. Quelles seront les activités acceptables? »
La collaboration pour assurer le bien-être fera partie de la « nouvelle normalité ».
Selon M. Dupuis, « Les familles réalisent qu’elles devront apporter des changements à leur vie. Le gouvernement doit saisir cette occasion et apporter d’importantes modifications à certains programmes-cadres de la province. Par exemple, l’intégration de l’apprentissage socioémotionnel à l’ensemble du curriculum doit être étudiée. »
En ayant de bonnes connaissances en matière de bien-être physique et socioémotionnel, les enseignants d’ÉPS seront bien placés pour agir à titre de leaders alors que nous apporterons ces changements; cependant, ils ne peuvent le faire seuls.
Les enseignants doivent demander l’aide de leur direction, de leur conseil scolaire et d’organismes comme Ophea, qui créeront les ressources dont les écoles auront besoin pour promouvoir le bien-être chez les élèves et ainsi favoriser leur réussite scolaire.
Cependant, le personnel enseignant doit avant tout se rappeler de procéder lentement et avec prudence afin d’éviter le surmenage et de gérer leur propre bien-être. Par le fait même, les enseignants peuvent donner l’exemple d’un mode de vie sain et actif, car ils sont aux premières lignes pour éduquer les élèves et accompagner les familles. Comme l’explique en conclusion John Dance, directeur adjoint de l’éducation et surintendant des services en matière de ressources humaines au conseil scolaire de district du comté de Simcoe et président d’Ophea, « En tant qu’adultes bienveillants dans la vie de nos élèves, nous sommes les mieux placés pour prédire dans quelle mesure ils vont se rétablir et réussir. En prenant soin de nous-mêmes, nous leur donnons également l’exemple pour qu’ils prennent soin d’eux-mêmes. »