En reconnaissant que des préjugés et des points de vue sont intrinsèquement liés à chaque sujet, il est possible de mieux comprendre les valeurs, les suppositions, les motifs potentiels et les messages sous-jacents exprimés par le personnel enseignant et les élèves par leurs paroles et leurs gestes au sein de la communauté scolaire. Le 11 août 2022, Ophea a organisé un webinaire d’une heure au cours duquel la discussion a porté sur les façons par lesquelles les membres des communautés scolaires peuvent collaborer pour créer des expériences d’apprentissage inclusives et équitables pour l’ensemble des élèves.
Le financement pour cette séance a été accordé par Novo Nordisk, et nous tenons à remercier les personnes qui ont fait part de leurs expériences, de suggestions et de stratégies pour une pédagogie sensible et adaptée à la culture :
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Andrea Barrow est conseillère en matière d’équité et d’inclusion au Conseil scolaire du district de Limestone, ambassadrice d’Ophea et membre du comité d’Ophea responsable des questions de sécurité.
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Dre Debbie Donsky est surintendante de l’éducation au Conseil scolaire du district de Toronto. Elle a travaillé pour divers conseils scolaires et pour le ministère de l’Éducation.
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Benjamin McDonald est un élève et athlète qui plaide pour l’équité en éducation. Après avoir surmonté des expériences néfastes au sein du système de l’éducation, Ben s’est engagé à combler le fossé entre le statut socioéconomique et la qualité de l’éducation pour les élèves et leurs familles en Ontario.
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Dre Vidya Shah est professeure adjointe à la faculté d’éducation de l’Université York; dans le cadre de sa recherche, elle examine des approches de leadership axées sur la décolonisation et la lutte contre le racisme dans les écoles, les communautés et les districts scolaires.
Visionnez l’intégralité du webinaire sur notre chaîne YouTube (vidéo en anglais seulement).
Accédez à l’intégralité du wébinaire sous-titré en français sur notre chaîne Youtube.
Nous avons demandé à Debbie de nous aider à résumer les principaux thèmes et les principales questions abordés lors du webinaire. Vous pouvez la suivre sur Twitter @DebbieDonsky et en apprendre davantage sur elle sur son site Web : https://debbiedonsky.com/.
Qu’est-ce que l’on entend par « réussir » et « s’épanouir »? Et quel est le rôle de l’éducation physique et santé?
Pour commencer, Andrea Haefele a présenté un extrait du programme-cadre d’éducation physique et santé (ÉPS) de l’Ontario pour le palier élémentaire (2019).
"Le programme-cadre d'éducation physique et santé se fonde sur le principe que tous les élèves peuvent acquérir des connaissances et des habiletés leur permettant de réussir dans un monde en constante évolution, en les aidant à favoriser leur santé mentale et leur bein-etre, à se doter d'une littératie en matiere d'éducation physique et de santé ainsi qu'à développer la compréhension, la capacité et la volonté nécessaires pour mener une vie active et saine et en faire la promotion, et ce, leur vie durant."1
Cette vision va au-delà des attentes du programme-cadre et des notes obtenues. Elle a expliqué que par des cours d’ÉPS, chaque élève a la possibilité d’acquérir des habiletés essentielles l’aidant à être actif et en santé et à contribuer à ce monde qui évolue rapidement. Lors de ce webinaire, nous avons nommé, dénoncé et contextualisé les nombreux obstacles auxquels les élèves sont confrontés dans ces espaces. Nous devons nous engager à éliminer ces obstacles et à proposer des solutions pour que cette vision soit une réalité pour chaque élève que nous servons.
Bien que nous ayons été témoins de grands changements en éducation, par un engagement explicite envers des pratiques anti-oppressives, nous ne pouvons-nous attarder qu’à la philosophie et à des études de cas hypothétiques. Nous devons, en tant qu’enseignants, nous engager à apporter des changements à nos pratiques.
Nous entendons à maintes reprises qu’il n’y a pas de neutralité comme l’expliquent les propos de Desmond Tutu, « Si vous êtes neutres en cas d’injustice, vous avez choisi le parti de l’oppresseur. Si un éléphant a sa patte sur la queue d’une souris et vous dites que vous êtes neutre, la souris n’appréciera pas votre neutralité. » Nous exprimons ces paroles et citons ces citations, mais est-ce que nous nous tenons redevables lorsqu’un élève ne réussit pas et est incapable de s’épanouir? Quelles sont les conséquences d’affirmer qu’il n’y a pas de neutralité dans un cours d’ÉPS?
Qui définit l’épanouissement? Qui définit la réussite?
Les suppositions concernant la capacité des élèves à s’épanouir et à réussir ne peuvent reposer sur des compétences qui n’ont pas été enseignées, des accommodations qui n’ont pas été mis en œuvre, ou des programmes qui manquent de diversité quant aux sports pratiqués, aux connaissances, aux compétences et expériences requises, ainsi qu’aux divers types de corps qui peuvent participer; pourtant nous savons bien que c’est le cas, et pas seulement en ÉPS.
Lorsque nous, le personnel enseignant, fixons des attentes moindres pour des individus sans créer des conditions qui donnent la possibilité à chaque élève de s’épanouir, nous restreignons sa capacité à réussir en classe et nos pratiques ont des implications sur sa santé et son bien-être la vie durant.
Lorsque je suis devenue enseignante, ayant vécu de la honte et de l’humiliation dans des cours d’ÉPS lorsque j’étais une élève, j’étais très sensible aux façons d’éviter ces situations dans ma classe et, plus encore, je cherchais à créer une communauté en classe propice à l’épanouissement et à la réussite de tous les enfants. Alors que j’ai poursuivi ma carrière et travaillé de plus en plus avec des adultes et moins avec des enfants, mon état d’esprit demeure le même : Que puis-je faire pour aider chaque personne, chaque équipe et chaque communauté que je sers à s’épanouir?
Dans son livre sur une éducation décolonisatrice (Decolonizing Education—Nourishing the Learning Spirit), Marie Battiste affirme que « l’esprit d’apprentissage » est l’entité en chacun de nous qui guide notre quête pour une raison d’être et une vision. Nos talents se développent dans un environnement d’apprentissage qui nous appuie et nous stimule en tant qu’apprenants. Cela devrait être l’objectif de chaque salle de classe, de chaque école : pour servir les élèves, pour en prendre soin, il faut créer un environnement d’apprentissage qui offre une subsistance et des défis pour progresser vers ce but en développant les talents de chaque élève.
De plus, Andrea Haefele a demandé aux participants de réfléchir à la façon par laquelle leurs suppositions peuvent engendrer des définitions très restrictives de la réussite. Qui définit la réussite? Est-ce que des discussions ont eu lieu avec d’autres membres du personnel qui appuient cet élève, avec sa famille ou même avec l’élève? La réussite est-elle fondée sur les besoins, les forces et les champs d’intérêt, ou nous arrêtons-nous à ce que nous croyons être ses besoins?
Ben McDonald s’est ensuite joint à la discussion en tant qu’élève qui s’identifie comme homme de race noire. Il nous a expliqué qu’alors qu’il fréquentait une école publique, il était souvent en mode de survie, mais lorsqu’il a fréquenté une école privée, il a joui de plus de possibilités propices à son épanouissement. Quand il était en cinquième année, la personne qui lui enseignait lui a dit qu’il n’y avait pas de place à l’université pour les personnes comme lui. Il avait alors 10 ans. Lorsque ses parents ont été mis au fait de ces propos, ils en ont parlé à cette personne, à la direction de l’école et à leur fils. À maintes reprises, il s’est fait dire des commentaires de ce genre ou il en a été témoin. Ces messages sont transmis et ressentis de nombreuses façons insidieuses dans nos écoles. Ces messages sont ouvertement racistes envers les Noirs et le produit de la suprématie blanche.
Dans son ouvrage sur l’enseignement abolitionniste, Bettina Love explique que ce sont toujours les personnes noires, brunes et autochtones qui doivent démontrer qu’elles importent étant donné que la « hiérarchie humaine » a été inventée au profit des personnes de race blanche par la rationalisation des notions racistes d’infériorité biologique par rapport aux Américains qui croient être de race blanche. Bettina Love souligne que le fait d’être une personne de couleur est un projet civique parce que sa relation avec l’Amérique, malheureusement, est une lutte pour importer, pour survivre, et un jour, s’épanouir.
Ben a posé plusieurs questions auxquelles le personnel enseignant doit réfléchir : Quel avantage tirez-vous à empêcher les élèves de progresser?
Que gagnons-nous? Est-ce le sentiment que ne pas pouvoir interpeller ou aider cet élève ne reflète pas sur nous personnellement, mais que c’est plutôt la faute de l’élève? Est-ce éthique? Sommes-nous honnêtes avec nous-mêmes?
Il y a plusieurs années, un membre du personnel enseignant m’a parlé d’une élève qui allait recevoir un prix de sciences. Il m’a tout simplement dit, « Elle me comprend. ». Cet enseignant était reconnu pour créer des examens qui ressemblaient à ceux donnés au secondaire afin de « préparer » les élèves pour le secondaire. De nombreux élèves avaient de la difficulté à réussir dans sa classe et l’élève, qui dans son esprit méritait le plus le prix était celle ou celui qui le validait le plus comme enseignant. Il va sans dire que c’est une pratique problématique qui est représentative des pratiques systémiques et structurelles qui continuent de favoriser certains élèves tout en causant du tort et des traumatismes à d’autres.
Andrea Haefele a fait mention de la chronique « Et si… la série de séances d’apprentissage #Ophea100 » lorsqu’elle a discuté de la question : « À quoi ressembleraient les cours d’ÉPS si nous changions la perspective pour qu’elle provienne des apprenants et représente de manière authentique leurs besoins et leurs champs d’intérêt? »
Andrea Barrow a fait mention de ces types de discrimination et de ce que Bettina Love décrit comme étant de « l’assassinat de l’esprit » (spirit murdering) en éducation. Nous recueillons des données, nous examinons des chiffres, et selon nos propres expériences vécues, nous pouvons hocher de la tête en reconnaissance et en frustration, sursauter d’étonnement (il faut comprendre que ceci est indicatif du « privilège ») ou avoir diverses autres réactions. Elle est ensuite revenue à l’histoire de Ben pour nous demander de laisser de l’espace pour ce « visage associé aux chiffres », une démarche essentielle en vue d’humaniser l’impact de nos présomptions qui causent du tort.
Andrea Barrow, qui s’identifie comme une femme noire, nous a parlé de son temps passé à fréquenter des écoles dans des communautés à prédominance blanche et de la façon par laquelle cette proximité à cette race l’a conduite dans une voie particulière. Comme Ben, Andrea a parlé de l’influence de ses parents sur sa réussite. Elle a expliqué comment ses expériences de vie, ses identités et ses rôles lui ont permis d’aider les élèves de race brune et de race noire à réussir, y compris ses propres enfants. Elle a expliqué qu’il y a des sujets que nous aimons enseigner, des personnes à qui nous aimons enseigner, et des façons préférées d’enseigner, mais nous ne nous adaptons pas et nous n’avons aucune ouverture envers d’autres façons de faire les choses et d’autres perspectives; cela est un facteur qui contribue à du racisme que l’on peut observer dans les cours d’ÉPS.
Le personnel enseignant doit comprendre que le maintien du statu quo par l’attitude « Ça fonctionne depuis des années », « Ça a fonctionné pour moi » ou « Ça se fait de cette façon depuis toujours » cause du tort. Nous devons toujours nous demander qui n’est pas représenté et servi. Qui ne réussit pas, ne s’épanouit pas, n’apprend pas et ne participe pas?
Vidya s’est ensuite jointe à la discussion en décrivant ses identités et ce qui l’a influencée dans son rôle d’éducatrice. Elle nous a expliqué que ce ne sont pas seulement les élèves, mais aussi les éducateurs, qui sont exclus de ces espaces. Elle nous a rappelé que le racisme, le patriarcat et le privilège accordé aux personnes hétérosexuelles et cisgenres sont toujours présents, peu importe que nous soyons des élèves, des éducateurs, des familles ou des communautés. Elle a insisté sur l’importance de faire des rapprochements entre la théorie et la pratique; si nous apprenons la théorie, mais que nous ne l’appliquons pas, c’est en vain. Ce n’est pas une simple question d’apprentissage, mais aussi de désapprentissage. Dans sa série de baladodiffusions, UnLeading, Vidya et ses invités dénoncent et remettent en question les messages oppressifs que nous avons internalisés et que nous croyons ensuite être neutres. Il faut désapprendre et modifier sa façon de penser pour se diriger vers des relations fondées sur la libération.
Andrea a établi un lien à la discussion avec son expérience de parent d’un enfant ayant une déficience et elle a expliqué que l’oppression peut être vécue de diverses façons. Elle a demandé « Comment pouvons-nous créer un environnement sécuritaire et sécurisant pour que tous nos apprenants puissent être franchement eux-mêmes sans gêne dans nos salles de classe? »
Nous savons que « l’apprentissage efficace en éducation physique et santé repose sur la sécurité physique et émotionnelle. » (Le curriculum de l’Ontario : éducation physique et santé, 2019, p. 11)
Vidya a fait référence aux écrits de Gloria Ladson-Billings, et particulièrement à la pédagogie adaptée et sensible à la culture, pour expliquer qu’il faut se poser des questions quant à la notion de la réussite des élèves. Dans ses ouvrages, Ladson-Billings décrit trois aspects de la pédagogie adaptée et sensible à la culture :
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Avoir des attentes élevées pour tous les élèves;
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S’assurer que tous les élèves acquièrent des compétences culturelles et une compréhension de leurs identités;
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Aider les élèves à développer une conscience critique concernant l’impact de l’oppression systémique et des diverses oppressions qui s’entrecroisent.Edit media
Qui n’a pas sa place dans nos cours d’ÉPS?
Qui ne se sent pas représenté dans l’enseignement, les sports, les activités, les expériences et l’apprentissage dans le cours d’ÉPS? Comment le savez-vous? Comment les élèves vous montrent-ils qu’ils ne sont pas à leur place?
Nous avons souvent en tête une image de ce à quoi ressemble le succès et nous avons une idée de qui est plus susceptible de réussir dans un cours d’ÉPS. Notre définition de la réussite détermine qui peut réussir. Et même pour ceux qui par défaut peuvent présumer réussir dans un cours d’ÉPS, comment cette définition pourrait-elle leur donner une perception étroite d’eux-mêmes et de leur capacité et faire entrave à leur croissance et à leur développement.
Comment l’accès à de la richesse offre-t-il des possibilités à certains élèves tout en créant des obstacles pour d’autres? À quels autres programmes, entraînements, accompagnements et équipes vos élèves ont-ils accès grâce au privilège accordé par leur situation financière?
Quelles attentes concernant les vêtements et les uniformes dans les cours d’ÉPS créent des obstacles étant donné les pratiques confessionnelles, l’identité de genre, les vestiaires et les besoins en matière de respect de la vie privée?
Qu’est-ce qui a été normalisé dans les cours d’ÉPS? Comment pouvons-nous décentraliser ces normes pour qu’il y ait de multiples points d’entrée dans nos salles de classe?
Comment avez-vous modifié votre enseignement, votre évaluation et vos ressources pour vous adapter aux élèves que vous servez?
Comment avez-vous échangé avec les familles de vos élèves et leurs communautés pour apprendre à mieux les servir?
Notre existence dans ces définitions restrictives et ces binarités est dommageable pour nous tous, car celles-ci ne font que restreindre nos possibilités et créer un espace pour peu de personnes. Nous demandons aux élèves de s’intégrer plutôt que de créer des espaces d’appartenance. Lorsque nous maintenons des définitions restrictives de la réussite et des personnes qui peuvent réussir, nous demandons du même coup aux élèves de faire des compromis, de se limiter, de se cacher et de restreindre leur potentiel.
« Le racisme, le sexisme, le capacitisme, l’homophobie, la transphobie, l’âgisme, et la grossophobie sont des algorithmes créés en raison de la difficulté des humains à faire la paix avec le corps. Un monde radical d’amour de soi est un monde exempt des systèmes d’oppression qui font qu’il est difficile et même parfois mortel de vivre dans notre corps. » ― Sonya Renee Taylor, The Body Is Not an Apology: The Power of Radical Self-Love
Vidya a posé les questions suivantes : « Et si tous les élèves pouvaient comprendre leur corps et être émerveillés par leur physique? Et si tous les élèves avaient une relation saine avec leur corps? Et s’ils pouvaient rétablir des liens étroits avec leur corps et leur esprit et entre eux et toute la vie qui les entoure? »
C’est la possibilité qui est présente dans les cours d’ÉPS.
Merci à Debbie d’avoir bien voulu partager sa perspective et de son expérience au public d’Ophea et d’avoir accompagné les conférenciers qui ont participé à ce webinaire. Merci également à nos conférenciers Andrea, Ben et Vidya pour leur temps, leur expertise et leur dynamisme! Ophea admire votre dévouement envers l’éducation inclusive et l’équité pour lesquelles l’apport des élèves, les partenariats avec les communautés et les moyens donnés au personnel enseignant engendrent les meilleurs résultats pour l’ensemble des apprenants en créant des communautés d’apprentissage où la contribution de tous est valorisée.
Poursuivons la discussion! Faites-nous part de vos façons de favoriser la création d’environnements d’apprentissage plus sécuritaires, plus équitables et plus inclusifs dans votre classe et votre communauté scolaire en identifiant @OpheaCanada dans vos publications sur Twitter, Facebook, et Instagram.
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1. Ministère de l’Éducation de l’Ontario. (2019). Le curriculum de l’Ontario de la 1re à la 8e année – Éducation physique et santé (p. 10). Repéré au : http://www.edu.gov.on.ca/fre/curriculum/elementary/2019-education-physique-sante-1rea8e-annee.pdf