Et si… la série de séances d’apprentissage #Ophea100

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L’emblème du centenaire est composé de quatre parties distinctes, mais reliées, qui représentent les valeurs fondamentales, la culture de partenariats, le passé et l’avenir d’Ophea.

C’est avec plaisir que nous partageons la plateforme d’Ophea avec Dre Debbie Donsky.   

Debbie, surintendante de l’éducation au Conseil scolaire du district de Toronto, est dévouée envers l’éducation inclusive et l’équité pour lesquelles l’apport des élèves, les partenariats avec les communautés et les moyens donnés au personnel enseignant engendrent les meilleurs résultats pour l’ensemble des apprenants en créant des communautés d’apprentissage où la contribution de tous est valorisée. Par des espaces d’apprentissage collaboratif, par un apprentissage fondé sur la recherche actuelle et par l’utilisation de la technologie et des médias sociaux, elle a pu influencer l'amélioration des écoles aux niveaux local, systémique et provincial.

Nous avons demandé à Debbie de nous aider à saisir les principales idées et questions ainsi que les principaux thèmes qui sont ressortis de notre série de séances d’apprentissage #Ophea100 (pour laquelle nous avons collaboré avec des experts pour discuter de divers sujets comme l’équité des genres, la relation entre l’éducation physique et la vérité et la réconciliation, et le changement de perspective en éducation physique et santé pour passer à l’action). Consultez le document que Debbie a créé pour la série de séances d’apprentissage #Ophea100 pour son interprétation narrative et graphique du parcours de la série (en anglais seulement) et pour en lire davantage sur ses expériences comme élève qui l’ont inspirée dans son travail et ses efforts continus visant à promouvoir des programmes inclusifs.    

Vous pouvez la suivre sur Twitter @DebbieDonsky et en apprendre davantage en consultant son site Web : https://debbiedonsky.com/; vous pourrez l’écouter lorsqu’elle se joindra à notre discussion d’experts le 11 août. Pour plus d’information sur cette séance virtuelle gratuite de perfectionnement professionnel et pour vous y inscrire, visitez : Table ronde : Learning with and for Leaders (apprendre avec et pour les leaders)  (en anglais seulement). 

Et si nous nous concentrions sur les possibilités plutôt que sur la pathologie? Et si nous nous concentrions sur les capacités plutôt que de porter uniquement attention à l’optique déficiente des limites? Et si l’éducation physique et santé était un espace d’inclusion, de diversité, d’appartenance, de prise de risques et de réjouissances?  

Lorsque d’Ophea m’a contactée pour créer un carnet de notes, l’ironie m’a sauté aux yeux. L’Association ontarienne pour l’éducation physique qui me contacte, moi. Moi qui avais hâte d’en arriver au point (10e année) où je n’aurais pas à suivre de cours d’éducation physique et santé étant donné qu’il s’agissait pour moi d’un lieu de honte, de difficultés et de traumatisme?  

À l’automne 2017, j’ai finalement compris ce que Brené Brown voulait dire par ses propos : « Si vous prenez possession du récit, vous pouvez en écrire la conclusion. » Je suis montée sur une scène à Kitchener et j’ai conté mon histoire dans ma conférence TEDx, Reclaiming Space (reconquérir de l’espace).   

Plutôt que du récit d’un membre du personnel enseignant qui m’humilie devant tous les élèves de ma classe d’éducation physique de 8e année, ce fut celui du jour où 2000 personnes m’ont donné une ovation debout. C’était le récit d’une fille de qui l’on s’était moquée, qui avait été humiliée, rendue invisible et exclue à maintes reprises dans le cours d’éducation physique et d’autres espaces en raison du corps dont elle avait hérité à la naissance. Le récit s’est plutôt transformé en celui de la façon dont je me suis défendue, possiblement avec un choix de mots qui était loin d’être optimal, mais qui avait certainement un impact. C’est devenu le récit d’une personne là, sur une scène, qui n’était pas bien dans sa peau, mais qui a tout de même raconté son histoire. Cette soirée-là, des 2000 personnes présentes, 1 200 étaient des élèves du secondaire. Ma conférence était tout juste avant l’entracte et lorsque tout le monde s’est levé pour partir, je suis allée voir les membres de ma famille et mes amis qui étaient venus m’encourager. J’ai été assaillie par les élèves qui souhaitaient absolument me rencontrer. C’était la conclusion dont j’avais besoin à cette histoire.     

Ces espaces où le mouvement corporel est une partie essentielle de l’apprentissage, comme les cours d’éducation physique, peuvent être des endroits difficiles pour les personnes parmi nous dont on se moque du corps, et celles qui sont victimes de harcèlement et d’intimidation à cause de leur corps. Alors que je regardais et que j’écoutais les webinaires de la série #Ophea100 (en anglais seulement), certains propos m’ont interpellée et m’ont rappelé des souvenirs de mes expériences d’enfant commençant à remarquer des différences, de jeune adolescente remarquant des changements en elle, de jeune femme entamant la vie adulte, de femme adulte donnant naissance à des enfants, et de femme plus âgée ayant de sérieux problèmes de santé. En vieillissant, j’ai réussi à utiliser mes problèmes de santé pour m’attarder à comprendre mon corps, son fonctionnement, et sa façon de me soutenir, et surtout, j’ai réussi à l’apprécier pour ce qu’il est plutôt que lutter contre lui.  

Je pense à mon amour de la natation. J’aimais le sentiment de légèreté de mon corps et ma force qui le propulsait vers l’avant. Je me rappelle d’un été à un camp de vacances lors des olympiades, quatre jours de compétitions, quatre jours d’exigences physiques qui me donnaient envie de me cacher. Cette année-là, je prenais part à une compétition de relais de natation. Au camp, la plage principale était au cœur de toute l’action et tout le monde était là pour nous regarder plonger et se relayer pour nager le long des quais. Quand mon tour est arrivé, ma coéquipière m’a touché la main, puis je me suis propulsée dans les airs du bord du quai jusqu’à mon entrée dans l’eau et j’ai nagé le plus rapidement possible. Lorsque je suis sortie de l’eau et que je me suis rendue dans l’aire d’attente, les personnes sont venues me donner des tapes dans le dos et m’ont demandé si j’étais la nageuse d’un ton révélant des louanges et de la surprise. J’ai appris que j’avais fait passer notre équipe de la dernière à la première place.   

Et si nous avions accès à des activités physiques qui nous permettaient de mettre en valeur notre corps et nos talents, plutôt que ces activités servant à ostraciser, à humilier et à causer du tort? Et si les mouvements que nous utilisons pour renforcer notre force, notre agilité, notre équilibre et notre confiance étaient choisis selon nos corps, nos capacités et nos champs d’intérêt?  Et si les mouvements étaient enrichissants et intégrés à ce dont nous avons besoin dans notre vie et s’ils nous enseignaient comment avoir de la force dans diverses situations comme le décrit Dre Janice Forsyth dans son webinaire sur la relation entre l’éducation physique et santé et la vérité et la réconciliation?  

Je me souviens de la sixième année lors de la saison de baseball. Les garçons les plus athlétiques étaient toujours les capitaines. Chacun à leur tour, les capitaines choisissaient les membres de leur équipe. J’étais toujours parmi les dernières choisies. J’étais non seulement une fille, j’étais aussi grosse. Je m’élançais au bâton, mais je frappais rarement la balle. Le concept m’échappait. Personne ne me montrait ce que je faisais de travers. On attendait juste que je sois retirée au bâton. De temps à autre, lors des bonnes journées, le lanceur avait de la difficulté à trouver la zone des prises et je me rendais au premier but grâce à un but sur balles. Je n’avais pas à frapper la balle et je n’avais pas besoin de courir devant tout le monde. Ce n’était pas un endroit pour apprendre à s’améliorer à la pratique d’un sport; on s’attendait à ce que vous arriviez en sachant comment faire. Plusieurs années plus tard, lorsque mon fils Max apprenait à jouer au baseball, nous jouions dans la cour arrière. Mon mari Jeff nous lançait la balle et il me demanda, « Pourquoi frappes-tu du côté droit? » Après toutes ces années, personne n’avait tenu compte du fait que j’étais gauchère. Jeff m’a montré et j’ai ensuite frappé chaque balle. Pourquoi le personnel enseignant ne m’a-t-il pas montré ça? La confiance que j’aurais eue en moi si une personne m’avait dit « change de côté pour frapper la balle » ou « ta force ne provient pas du même côté de ton corps »!  

Et si nos différences étaient explorées dans les cours d’éducation physique plutôt que d’être considérées comme des lacunes? Et si l’on ne tenait pas compte de notre genre pour déterminer si nous faisons de la danse ou de l’entraînement musculaire, ou si nous pratiquons la gymnastique ou le football? Et si les propos de Jason Trinh et Joe Tong dans leur webinaire sur l’équité des genres (Starting with Gender Equity in Mind) étaient appliqués dans tous les cours d’éducation physique?    

En tant qu’enseignante, j’étais très consciente que je devais faire de mon cours d’éducation physique un endroit où les élèves auraient un sentiment d’inclusion, de compétence, de motivation, de fierté, de force, et d’appartenance à une équipe. J’ai enseigné des habiletés plutôt que la compétition. J’ai enseigné le travail d’équipe plutôt que la loi du plus fort. J’ai demandé conseil à mes collègues pour que mon intention concorde avec l’expérience vécue. Un enseignant avec qui j’ai travaillé était aussi entraîneur pour l’équipe féminine de basketball de l’Université York; il m’a enseigné les habiletés requises pour lancer le ballon dans le panier. Il m’a enseigné les règles du jeu. Le garçon le plus fort n’était plus toujours au centre de l’activité. Le ballon-chasseur n’était plus une façon secrète d’exclure, de cibler, d’agresser et de causer du tort. Le temps où une position sur le terrain ou une position sociale appartenait à une personne était révolu.   

Et si notre bien-être émotionnel était primordial à notre participation active pour que nous prenions plus de risques et que nous acceptions notre vulnérabilité pour en apprendre davantage sur notre corps et sa façon de bouger? Et si la priorité était accordée au travail d’équipe, à la communauté et au soutien à la santé mentale plutôt qu’à la victoire, à la hiérarchie et au contrôle? 

Je me souviens de ma première participation à une manifestation publique avec mon meilleur ami et son fils alors que nous avons dénoncé les changements apportés au curriculum du programme de santé. On nous a annoncé que l’on retirait du curriculum les concepts de la fluidité des genres, de l’expression du genre, de l’identité de genre, du consentement, et du harcèlement et des agressions fondés sur la forme du corps. La partie santé du cours était toujours pour moi l’occasion d’améliorer ma note dans ce cours, car je pouvais étudier et apprendre avec plus de succès que dans la partie éducation physique.    

Et si le curriculum nous enseignait vraiment sur les changements que nous vivons en tant que jeunes enfants, autant sur les plans émotionnel et mental que sur le plan physique? Et si nous parlions ouvertement des différentes façons de vivre notre genre et notre sexualité, si nous abordions les relations de manière concrète, accordions une place aux questions plus personnelles et encouragions chaque élève à suivre son parcours en écoutant son cœur, sa tête et son corps?   

L’année après celle de la grande humiliation dont j’ai parlé lors de ma conférence TEDx, j’ai vécu une tout autre expérience. La seule unité qui me faisait angoisser plus que la course, c’était celle de gymnastique. Mon corps ne bougeait pas comme celui des autres filles. Ça allait pour la poutre, mais pas pour les culbutes sur le tapis. Nous devions créer des chorégraphies. Plusieurs des élèves dans ma classe suivaient des cours de gymnastique et de danse à l’extérieur de l’école. Je les regardais faire la roue, des renversements, des exercices acrobatiques, des sauts de mains et des appuis renversés. Je m’assoyais sur les côtés en espérant que personne ne me remarquerait et je ressentais de l’anxiété, sachant bien qu’il me serait impossible de faire de même. Une enseignante m’a aidée. Elle m’a expliqué ce qu’il fallait faire, la mécanique corporelle, les pas; elle m’a expliqué chaque étape. Un jour, après ce qui m’avait semblé une éternité, j’ai réussi un saut périlleux pour lequel j’ai obtenu un « A », la première et la seule fois où j’ai obtenu une telle note en éducation physique.  

Et si se poser la question, « À quoi pourrait ressembler l’ÉPS si elle tenait compte des besoins et des champs d’intérêt d’une population étudiante très diversifiée et des communautés dont ses membres sont issus, et si elle représentait cette grande diversité? », était essentiel à l’enseignement, à l’apprentissage et à l’évaluation dans les cours d’éducation physique comme le décrivent Ken Leang, Nicki Keenliside, Milena Trojanovic, Andrea Haefele et Tim Fletcher dans leur webinaire sur le changement de perspective en éducation physique et santé pour passer à l’action (Shifting the Narrative in H&PE Towards Action)?

Et si l’on s’attendait à ces choses importantes comme la création d’espaces inclusifs, la réflexion et l’humilité du personnel enseignant, l’établissement de relations et de communautés où la confiance règne, l’accessibilité physique et sociale, la mise en application de pratiques qui tiennent compte des traumatismes et la compréhension des complexités associées à notre diversité et nos différences?     

Et si les classes d’éducation physique et santé créaient des espaces où les enfants pourraient apprendre non seulement que leur corps est fort et qu’il possède la capacité, mais aussi qu’ils sont forts et qu’ils possèdent en eux la capacité?     

Et alors que je poursuis ma vie d’adulte et que je regarde mes parents vieillir, je comprends maintenant le plaisir de bouger, l’importance d’améliorer sa force, son équilibre, son agilité, son endurance et son pouvoir. Je suis consciente que nous devons traiter notre corps avec gratitude, curiosité et respect pour mieux vieillir. Maintenant, je suis aussi consciente que le vélo, la marche, le yoga, la méditation, la course, l’équilibre, la danse, l’interaction sociale par le mouvement, la mise au défi de soi, et le respect envers son corps sont des éléments qui font partie de cette variété essentielle pour bien vivre. 

Cette journée-là, sur cette scène, en marchant vers le cercle rouge là où j’allais raconter mon histoire, mon poids étant à son plus élevé de toute ma vie, j’ai dit tout bonnement « Je n’ai pas trébuché » en me parlant à moi-même. Mes paroles se sont réverbérées à travers toute la salle. J’avais mémorisé l’intégralité de ma présentation, je l’avais répétée à d’innombrables reprises, mais ces paroles n’étaient pas planifiées. Au moment où celles-ci sont sorties de ma bouche, j’étais inquiète. Est-ce que le public croirait que j’avais prononcé ces paroles parce que j’étais grosse et que je n’avais pas un bon sens de la coordination? Je l’avais dit parce que j’avais les jambes en guenilles. Je craignais qu’elles me lâchent alors que je me rendais au centre de la scène, mais elles ont tenu le coup. Elles m’ont transportée avec assurance et j’ai expliqué au public que nous devions perturber ces espaces, ces voix et ces limites et faire notre place dans le monde sachant que nous avons le droit d’être ici et que nous avons le droit de nous faire entendre haut et fort sans excuses. Et alors que nous allons reconquérir nos espaces, nous nous engagerons à ne pas faire de suppositions sur les capacités, la personnalité et les champs d’intérêt d’une personne selon son corps; nous allons plutôt la voir comme une personne avec des aspirations et des rêves impossibles qu’elle peut tenter de réaliser sans demander la permission à quiconque.